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Notre position anti-tech

Pourquoi ce texte

Tel qu’expliqué dans le texte sur le confort, nous n’utilisons pas de lave-vaisselle, de lave-linge ou encore d’eau chaude courante dans notre vie quotidienne. Il arrive fréquemment que des discussions s’engagent alors avec les visiteurices sur notre non-usage de telles technologies, nous amenant au constat que peu de personnes se sont véritablement renseigné sur ce que signifiait profondément le recours à de tels objets ; soit parce qu’elles ont visiblement peu de choses à dire sur le sujet, soit parce qu’elles défendent l’usage de technologies malgré nos arguments. Il nous a donc paru pertinent d’écrire ce texte afin d’expliciter certains partis-pris de notre vie quotidienne et nos raisonnements sur les technologies et aux industries. Ce positionnement théorique s’est étayé et clarifié relativement récemment comparé aux usages déjà largement anti-techs du lieu. Celui-ci se situe à la croisée des préoccupations écologiques et sociales sur le phénomène millénaire la civilisation et ses développements récents industriels, coloniaux, capitalistes, militaristes et écocide de masse. Le développement de la civilisation menace en effet aujourd’hui plus que jamais la survie des écosystèmes terrestres, et le “progrès” technologique en est le fer de lance contemporain.

Qu’est-ce que la technologie ?

Le but de cette partie est de définir ce qu’est la technologie et ce qu’elle a comme implications sociales et écologiques, jusqu’au dévoilement de l’existence du système technologique comme ordre socio-économique totalisant [autrement dit, un ensemble d’infrastructures et d’organisations sociales qui structurent et imprègnent jusqu’au plus banal de notre quotidien]. Il s’agira de définir différents types d’objets technologiques et techniques dans une logique taxonomique [de catégorisation et de classification] pour, dans la partie suivante, clarifier notre position, nos valeurs, nos pratiques vis-à-vis de ces objets.

On parle généralement de la technologie pour parler des objets complexes, fruits de la science, de techniques de mesure complexes, de phénomènes interprétés dans des modèles mathématiques sophistiqués, avec des gens en blouse blanche faisant des tests dans des laboratoires. Le propre de la plupart des objets technologiques est de transformer une certaine énergie en une autre, qu’il s’agisse de l’électricité en énergie mécanique (moteur électrique), de pétrole en chaleur (chaudière), d’énergie mécanique en électricité (barrage hydraulique)1, etc. Ces objets sont généralement dépendants de cette injection énergétique et éjectent parfois des déchets non souhaités mais associés à leur processus normal de fonctionnement (une ampoule dont le but premier est de transformer l’électricité en lumière émet de la chaleur parasite ; un moteur à pétrole émet du CO2 en plus du mouvement rotatif). Ainsi en est-il des voitures, des téléphones portables, des réfrigérateurs, de l’imagerie médicale par scanner ou IRM, et de tout un tas d’objets plus ou moins intriqués au quotidien d’une grande partie de l’humanité sinon toute.

Ces objets technologiques pris en tant que tels posent des problèmes inhérents à leur existence. Leur usage à des externalités délétères comme, par exemple, la pollution émise par les véhicules ou encore l’exploitation d’animaux humains et non humains dans des usines, des mines et des centres de recherche en biologie (rats de laboratoire). De plus, leur usage comporte des internalités tout autant délétères : détérioration de la santé mentale et physique (addiction aux écrans, obésité, cancers…), destruction de liens sociaux (la plupart familles occidentales ne se retrouvent plus pour parler ou jouer à des jeux mais pour regarder la télévision), destruction d’un certain rapport au monde et à l’environnement (qui peut nommer les oiseaux à la simple reconnaissance de leur chant ? Qui prend conscience que chacun des gestes que l’on effectue a un certain effet sur son écosystème ?), perte d’autonomie du savoir et du faire (qui sait se débrouiller pour manger à l’aide de plantes sauvages ? Qui sait reconnaître les nuages annonciateurs d’orage ?).

D’autres exemples pourraient être trouvés pour parler des externalités comme des internalités de ces objets technologiques. Mais, fondamentalement, la technologie ne se limite pas à ces quelques objets ponctuels dans le reste de la matière qui nous environne au quotidien. Car elle avant tout un ordre socio-économique mondial imbriquée dans tout ce qui nous entoure et qui cause la destruction d’une grande partie des écosystèmes tout autant que les dictatures militaires et esclavagistes du monde. Pour prouver ce point, jouons au jeu de l’objet. Observez les objets qui vous entourent et choisissez-en un, n’importe lequel. Le but du jeu est que vous parveniez à répondre aux questions suivantes : de quel matériaux est-il fait ? Où ont possiblement été trouvés ces matériaux ? Par quel processus ont-ils été extraits ? Par quels processus ont-ils été modifiés pour atteindre la forme actuelle de cet objet ? Par quels moyens est-il parvenu jusqu’ici ? Est-il alimenté par quelque chose ? Si oui, posez-vous les même questions que pour l’objet à propos de ce qui l’alimente. Doit-il être réparé de temps en temps ? Si oui, posez-vous les mêmes questions que pour l’objet à propos de ce qui permet de le réparer. Voici le squelette des questions ; d’autres peuvent être tout autant pertinentes et vous êtes libre d’y répondre si elles vous viennent à l’esprit, mais tâchez déjà de répondre à celles posées ci-dessus. Prenez le temps qu’il vous faut avant de passer au paragraphe suivant.

Imaginons que vous ayez choisi une fourchette en acier inoxydable. Ce matériau est un acier alliant du carbone, du chrome et du fer. Il faut donc d’abord extraire tous ces métaux dans des mines à l’aide d’engins et de main d’oeuvre. Le chrome qui compose votre fourchette provient sûrement d’Afrique du sud ou du Kazakhstan. Disons que l’usine de fabrication des fourchettes est celle d’Amefa située près de Thiers en France. Il faut, pour cela, des camions et des bateaux pour acheminer les matériaux jusqu’à l’usine afin d’être assemblés, nécessitant main d’oeuvre exploitée, énergie polluante, infrastructures destructrices. Il faut ensuite acheminer les fourchettes jusqu’au magasin dans lequel vous l’avez achetée et ses congénères un peu partout en Europe, demandant encore des routes et des magasins. La fabrication des fourchettes implique donc aussi certains ordres sociaux coercitifs pour forcer les gens à aller dans les mines, à ne pas faire un grève des transports, et qui verse un salaire pour motiver. Voilà pour la fourchette, mais on pourrait aller plus loin en évoquant toute la chaîne des objets nécessaires à la fabrication des fourchettes, se rendant compte, comme Adam Smith [voir Annexe] s’extasiant devant les débuts de l’industrialisation, que le moindre manteau de laine qui couvre le moindre journalier [ouvrier précaire employé à la journée] nécessite tant de quantité de travail, de commerce, de transports, que “le nombre de gens ayant concouru pour une part quelconque à lui fournir ce [manteau] est au-delà de tout calcul possible”, et qu’ainsi, la différence fondamentale entre le mobilier d’un journalier et de ses seigneurs est négligeable. Il faut aussi mentionner que chaque dépense d’énergie nécessite d’en trouver d’autre, et qu’ainsi, l’usage du pétrole dans les porte-conteneurs pour acheminer la fourchette aboutit à toujours plus de forage de pétrole et de déforestation pour transitionner vers des énergies “vertes”.

Petit à petit – au fur et à mesure que l’on creuse la provenance de l’objet – se dévoile une réalité de plus en plus palpable : tous les objets qui nous entourent (excepté peut-être la pipe creusée par l’arrière-grand père au fond d’un tiroir), et pas seulement les objets technologiques, sont la production d’un système économique complexe et mondialisé, fait de mines, d’usines, de patrons, de guerres entre Etats coloniaux militarisés, qui ne sont eux-mêmes qu’un élément de tout cet ensemble. Le moindre cure-dent, la moindre cuiller, une fois replacée dans son mode de production, participe d’un système qui est en soi pollueur, écodide, esclavagiste, pathogène ; cela ne concerne pas seulement les ordinateurs et les fusées. Ce système, nous le nommons système technologique, ou système techno-industriel.

Une grande part de l’approche antitech consiste, au final, à tâcher de déterminer les pour et les contre de l’usage de ces technologies, et de reconnaître que rien ne justifie leur existence : il n’y a pas de bon usage de ces technologies car elles sont en soi délétères. Le même raisonnement que celui du jeu de l’objet peut s’appliquer à des objets a priori bénéfiques comme ceux utilisés en médecine : aux médicaments vendus en pharmacie, aux prothèses, aux IRM, etc. Comment justifier le fait qu’une personne qui a perdu un membre puisse utiliser une prothèse articulée électronique alors que pour fabriquer cet objet il faudra qu’un enfant se fasse amputer quelque part dans les mines du Congo suite à un accident, en plus qu’une forêt doit être partiellement rasée, que des porte-conteneurs déversent des tonnes de CO2 dans l’atmosphère et sans compter d’innombrables implications autres que celles-ci ? Il ne s’agit pas là de dire qu’aucun type de prothèse ne doit être construit pour ladite personne, encore moins qu’aucun soutien social ne doit lui être apporté, mais qu’amputer des humain.es, zigouiller des amphibiens au passage et rendre l’air irrespirable pour sauver un membre d’un individu n’a aucune justification morale.

Après avoir défini ce qu’étaient les objets technologiques, et après avoir dévoilé l’existence du système techno-industriel et ses principales composantes, il reste à en tirer quelques conclusions sur la qualification d’autres types d’objets et apporter des nuances quand on cherche à les distinguer.

D’abord, le développement industriel du XIXe siècles et ses avants-courriers proto-industriels dès la fin du Moyen Âge ont amené à la production d’objets inédits qui ne pourraient pas exister sans tout un réseau infrastructurel complexe, scientifique, technocratique, colonial et écocide. Il en va ainsi des agrafeuses, des fermetures éclair, des pneus en caoutchouc, des poêles en fonte, des horloges, des machines à coudre Singer. Ces objets ne répondent pas à la logique de input-output énergétique contrairement aux objets technologiques, mais, tout comme ces derniers, ne peuvent exister sans ce système. On peut les appeler objets collatéraux du système technologique. Ces objets peuvent être utilisés hors du système en tant qu’ils sont des objets finis, mais dès lors qu’une pièce leur manque ou qu’ils sont cassés, il se peut que les réparer soit alors impossible à moins de trouver des pièces issues du système.

La même logique s’applique aux objets dits low tech. Certains objets de cette catégorie dépendent d’un apport énergétique, avec des panneaux solaires par exemple, censés rendre autonome l’objet ainsi crée. Mais qu’arrive-t-il quand le panneau solaire est détérioré ? Difficile de le refaire soi-même, à moins d’être ingénieur et d’avoir le matériel, lui-même pas autonome. D’autres objets de cette catégorie ne dépendent pas d’apport énergétique mais sont tout de même complexes dans leur réalisation ; donc tout comme une machine à coudre Singer, dépendent de pièces précises forgées dans des fabriques et assemblées précisément, ou d’avoir beaucoup de temps pour en refaire soi-même.

Ensuite, comment qualifier tous les objets qui ne sont pas issus du système techno-industriel ? Doivent-ils tous être classés dans une même catégorie homogène ? Le contraire des objets technologiques ou collatéraux au système ou même low-tech, ce sont les objets que l’on peut faire à l’aide de matériaux disponibles localement, fabricables à l’aide d’objets eux-même fabricables localement. Nous pouvons appeler ces objets objets techniques. Toutefois, tous ces objets n’ont pas les mêmes conséquences dans l’ordre social et écologique. Par exemple, il y a une différence notable entre une cuiller en bois et une pyramide : la seconde, pour être fabriquée, peut se faire à l’aide de matériaux trouvables relativement à proximité, mais nécessite une main d’oeuvre immense qui ne peut être mise au travail que par un système esclavagiste. La cuiller, quant à elle, ne nécessite pas une telle main d’oeuvre pour être construite et si sa conception pose problème à une personne, il peut assez facilement être abordé à une échelle communautaire. Une différence notable existe alors entre différents objets techniques : il y a d’un côté les techniques démocratiques (la cuiller), et de l’autre les techniques autoritaires (la pyramide) (Lewis Mumford, Technique autoritaire et technique démocratique).

Après avoir essayé de montrer l’existence du système techno-industriel, différentes catégorie d’objets ont été définis qui vont poser des jalons dans la suite du propos. Petit récap de la taxonomie des objets utilisée ensuite :

  • objet technologique : qui répond à une logique d’input et d’output énergétique, et construit grâce à une classe de scientifiques, d’ingénieurs, etc. ;
  • objet collatéral au système technologique (qui comprend les objets low tech) : qui ne peut exister sans le système, sans pour autant nécessiter un apport énergétique, et sans forcément être très complexe dans sa conception ;
  • objet technique autoritaire : qui peut être fabriqué avec des matériaux locaux mais nécessite une main d’oeuvre exploitée ;
  • objet technique démocratique : qui peut être fabriqué avec des matériaux locaux et ne nécessite pas de main d’œuvre exploitée.

Quel est notre positionnement anti-tech ?

Dans cette partie, nous développons les réponses théoriques, pratiques et stratégiques que nous faisons à cet état de fait.

Compte tenu du fait que le système exerce une emprise totalisante et totalitaire sur nos vies et sur les terres, il serait illusoire de penser que le déserter en vivant sur un écolieu tel que le Mallouestan est ce qui le mènera à sa chute. Toutefois, dans la mesure des possibilités offertes par le contexte dans lequel nous vivons, nous tâchons de développer une culture antitech, ainsi qu’une culture de résistance contre le système technologique.

Nous faisons du Mallouestan un espace pour se réapproprier les moyens de subsistance, qu’ils soient alimentaires, habitatifs ou énergétiques. Nous effectuons des recherches historiques et empiriques sur les techniques de maraîchage et de construction. Ces savoirs réappropriés petit à petit ne sont pas gardés pour nous, mais nous les partageons avec toutes les personnes en visite qui le souhaitent. De plus, nous organisons des formations à ce sujet et nous écrivons des ressources techniques en accès libre sur notre site internet. Notre démarche de recherche s’inscrit aussi dans le cadre d’un apprentissage de la vie en communauté, chose autrefois normale pour assurer la subsistance car un maillon plus efficace que la famille mononucléaire [composée seulement de deux parents et des enfants, une norme actuellement en Occident mais qui n’a pas toujours été une évidence]. Nous faisons du Mallouestan un centre de recherche pratiques et théoriques dont l’un des volets est celui des technologies. Par exemple, nous avons accueilli en 2024 et accueillerons encore des Universités d’Eté où il était question des limites de la possibilité de la coexistence de la vie sauvage et des technologies. Enfin, nous tendons à une reconfiguration des imaginaires via notre approche de l’art, de la culture et de l’esthétique centré autour du monde sauvage. En plus de ce versant culturel antitech, nous créons des liens concrets de camaraderie avec des collectifs anti-techs et anti-industriels.

Au quotidien notre approche peut être qualifiée de décroissance radicale. Notre usage des objets technologique et technique se fait progressivement vers une exclusion de certains matériaux issus du système, et une exclusion de tous les outils technologiques sauf exception et une partie des objets collatéraux au système. Effectivement, le contexte d’un monde techno-industriel totalisant et notre recherche d’efficacité sur certains points, comme le développement de l’autonomie rapidement et les nécessités du sanctuaire, ne nous permettent pas d’éviter certains compromis limités comme l’usage de panneaux solaires, des ampoules, les téléphones portables, les ordinateurs, l’usage des briquets, une visseuse-perceuse utilisée rarement. Il est inscrit dans notre charte que “la consommation d’énergie fossile (gaz, pétrole, charbon, etc.) est prohibée (hors briquet)”, et “que l’usage de nos infrastructures collectives (solaire, internet, eau) est limité à un cadre de nécessité (administrative, médicale, scolaire ou académique, activité associative/professionnelle ponctuelle). Les jeux vidéos, le streaming, le scrolling ou tout autre usage intense de ces infrastructures hors nécessité n’est pas toléré.”

Notre approche concernant les objets collatéraux du système varie selon le degré de remplaçabilité des objets et selon leur temporalité. Nous limitons par exemple l’usage d’enduits à la chaux pour les murs devant porter beaucoup de poids – de tels type de bâtiments ne faisant de toute manière pas partie de notre idéal entre autre parce qu’ils demandent trop de ressources pour leur fonction. Nous utilisons, par exemple, des vêtements avec des fermetures éclair malgré le fait que l’on pourrait facilement les remplacer par des boutons. Effectivement, les remplacer nécessiterait des ressources et du temps que nous préférons consacrer ailleurs. A terme, ces objets disparaîtront de notre quotidien, soit parce qu’ils seront abîmés, soit parce que nous aurons réussi à contourner leur usage et l’auront mis en application, rendant obsolète l’objet collatéral.

Notre approche des objets techniques est de parvenir sur toute la chaîne de production à les recréer nous même, qu’il s’agisse des tables, des briques, des vêtements, etc. Nous nous efforçons donc de maîtriser des outils et des techniques immatérielles autonomes, réparables, efficaces et malins dans leur conception, recélant toute la sagesse de siècles d’expérience couplée aux connaissances actuelles2. Ainsi des houes, des techniques de charpenterie, des techniques d’isolation avec de la terre, des techniques de lavage de linge à la brosse et au lierre. Nous sommes encore loin d’être entourés de ces objets mais nous avançons collectivement à cette fin.

Conclusion

Les implications nécessaires de l’existence des technologies et des industries sur les sociétés et sur les écosystèmes nous conduisent à la rejeter à la fois dans notre idéal de manière totale et dans notre mode de vie actuel dans la mesure du possible. Celle-ci est incompatible avec la constitution de sociétés justes et avec la vie sauvage. Et celle-ci est incompatible avec ce que nous essayons de mettre en place au Mallouestan : un lieu de recherche en savoirs-faire qui impactent le moins possible les écosystèmes, un lieu de solidarité résilient face aux fluctuations et incertitudes géopolitiques, un lieu de vie sain physiquement et psychologiquement.

Pour aller plus loin dans la compréhension de nos réflexions et de nos valeurs sur la technologie, nous vous renvoyons aux textes traitant de notre éthique environnementale (où nous argumentons en faveur d’une nature sauvage), de notre approche du confort (où nous critiquons les implications des normes de confort des sociétés occidentales et où nous défendons un confort intégré à une éthique plus saine pour soi et pour son environnement), et au texte sur l’autonomie (où nous montrons entre autres que les technologies sont incompatibles avec la recherche d’une autonomie réelle et solide à même de répondre à nos besoins et à celleux envers qui nous étendons notre démarche de solidarité).

Notes

  1. La différence entre un barrage et un moulin à eau par exemple est que ce dernier a pour fonction de transformer le courant translatif de l’eau en un mouvement rotatif, c’est-à-dire de changer le sens de l’énergie mais pas sa nature : dans les deux cas, il s’agit d’une énergie mécanique.
  2. Dans notre approche, nous mettons en avant la notion de mētis, terme grec renvoyant à la sagesse empirique issue des générations passées ayant évolué dans un environnement défini. On peut employer cette notion à propos de la connaissance du climat, de la meilleure période pour faire des semis, ou d’une technique efficace pour aiguiser une lame avec les pierres de la région. La mētis est ad-hoc, contextuelle ou spécifique, elle est acquise dans un contexte par la pratique et s’oppose à la technè qui à une tendance généralisante s’appuyant sur la raison, la logique et la théorie. On ne rejette pour autant la notion de technè que nous considérons aussi importante que la mētis; ce sont des notions complémentaires.

Références

Ces références ne représentent en aucun cas la validation de notre part de collectifs ou d’autrice-eurs mais sont des sources d’information étayant ce texte; contenant, par ailleurs, des idées et explorations que l’on juge utiles et pertinentes.

  • Jacques Ellul : La Technique ou l’enjeu du siècle
  • Theodore Kaczynski : La société industrielle et son avenir
  • Desmond Morris: Le Zoo humain
  • Lewis Mumford : Technique autoritaire et technique démomcratique
  • Adam Smith : La richesse des nations
  • Le blog d’Anti-Tech Resistance : https://www.antitechresistance.org/blog

Annexe

Extrait de La richesse des nations, par Adam Smith, 1776.

“Observez, dans un pays civilisé et florissant, ce qu’est le mobilier d’un simple journalier ou du dernier des manœuvres, et vous verrez que le nombre des gens dont l’industrie a concouru pour une part quelconque à lui fournir ce mobilier, est au-delà de tout calcul possible. La veste de laine, par exemple, qui couvre ce journalier, toute grossière qu’elle paraît, est le produit du travail réuni d’une innombrable multitude d’ouvriers. Le berger, celui qui a trié la laine, celui qui l’a peignée ou cardée, le teinturier, le fileur, le tisserand, le foulonnier, celui qui adoucit, chardonne et unit le drap, tous ont mis une portion de leur industrie à l’achèvement de cette œuvre grossière. Combien, d’ailleurs, n’y a-t-il pas eu de marchands et de voituriers employés à transporter la matière à ces divers ouvriers, qui souvent demeurent dans des endroits distants les uns des autres ! Que de commerce et de navigation mis en mouvement ! Que de constructeurs de vaisseaux, de matelots, d’ouvriers en voiles et en cordages, mis en œuvre pour opérer le transport des différentes drogues du teinturier, rapportées souvent des extrémités du monde ! Quelle variété de travail aussi pour produire les outils du moindre de ces ouvriers ! Sans parler des machines les plus compliquées, comme le vaisseau du commerçant, le moulin du foulonnier ou même le métier du tisserand, considérons seulement quelle multitude de travaux exige une des machines les plus simples, les ciseaux avec lesquels le berger a coupé la laine. Il faut que le mineur, le constructeur du fourneau où le minerai a été fondu, le bûcheron qui a coupé le bois de la charpente, le charbonnier qui a cuit le charbon consommé à la fonte, le briquetier, le maçon, les ouvriers qui ont construit le fourneau, la construction du moulin de la forge, le forgeron, le coutelier, aient tous contribué, par la réunion de leur industrie, à la production de cet outil. Si nous voulions examiner de même chacune des autres parties de l’habillement de ce même journalier, ou chacun des meubles de son ménage, la grosse chemise de toile qu’il porte sur la peau, les souliers qui chaussent ses pieds, le lit sur lequel il repose et toutes les différentes parties dont ce meuble est composé ; le gril sur lequel il fait cuire ses aliments, le charbon dont il se sert, arraché des entrailles de la terre et apporté peut-être par de longs trajets sur terre et sur mer, tous ses autres ustensiles de cuisine, ses meubles de table, ses couteaux et ses fourchettes, les assiettes de terre ou d’étain sur lesquelles il sert et coupe ses aliments, les différentes mains qui ont été employées à préparer son pain et sa bière, le châssis de verre qui lui procure à la fois de la chaleur et de la lumière, en l’abritant du vent et de la pluie ; l’art et les connaissances qu’exige la préparation de cette heureuse et magnifique invention, sans laquelle nos climats du nord offriraient à peine des habitations supportables ; si nous songions aux nombreux outils qui ont été nécessaires aux ouvriers employés à produire ces diverses commodités ; si nous examinions en détail toutes ces choses, si nous considérions la variété et la quantité de travaux que suppose chacune d’elles, nous sentirions que, sans l’aide et le concours de plusieurs milliers de personnes, le plus petit particulier, dans un pays civilisé, ne pourrait être vêtu et meublé même selon ce que nous regardons assez mal à propos comme la manière la plus simple et la plus commune. Il est bien vrai que son mobilier paraîtra extrêmement simple et commun, si on le compare avec le luxe extravagant d’un grand seigneur ; cependant entre le mobilier d’un prince d’Europe et celui d’un paysan laborieux et rangé, il n’y a peut-être pas autant de différence qu’entre les meubles de ce dernier et ceux de tel roi d’Afrique qui règne sur dix mille sauvages nus, et qui dispose en maître absolu de leur liberté et de leur vie.”